SCÈNE PREMIÈRE. Statira, Darius, Barsine.
STATIRA.
Demandez-vous encor d'où naissent mes alarmes
Quand le tumulte croît jusqu'à prendre les armes,
Et que les Factieux hautement déclarés
Soutiennent contre nous de lâches Conjurés ?
En vain avant qu'au Peuple on eût pu rien apprendre,
Par des ordres secrets on a cru les surprendre.
Du sort de Darius en ce moment instruit
Il a reçu pour Chefs ceux que le Roi poursuit,
Et suivant en aveugle un zèle téméraire
N'écoute pour raison que ce qu'il lui suggère.
Vous l'avez éprouvé, quand sans y réussir
Vous-même avez longtemps pris soin de l'adoucir.
Dans son emportement il ne veut rien connaître,
Il demande son Prince, il demande son Maître,
Et ne cessera point que malgré ses refus
Il n'ait forcé le Roi de rendre Darius.
Jugez dans ce péril ce que j'ai lieu de craindre.
DARIUS.
Quoi qu'ordonne le Ciel, que ce Prince est à plaindre,
Si la peur qu'il n'échappe à la fureur du Roi
Est le motif secret du trouble où je vous vois !
Je ne l'aurais point cru, qu'une âme noble et tendre
Des traits de la pitié se pût si bien défendre,
Qu'elle vît à regret un zèle généreux
Dérober à sa haine un Prince malheureux.
Si vous voulez sa mort il faudra qu'il périsse.
STATIRA.
Que ce doute honteux a pour moi d'injustice !
Mais vous n'en affectez la fatale rigueur
Qu'afin de m'obliger à vous ouvrir mon coeur.
Et bien, puisque je vois qu'en un sort si funeste
Cette triste douceur est tout ce qui vous reste,
Jouissez d'un aveu que dans son désespoir
Mon feu trop complaisant arrache à mon devoir.
La révolte du Peuple et m'afflige et m'étonne ;
Non pour lui voir ailleurs souhaiter la Couronne,
Quoi qu'ait fait Darius je le dois épargner,
Étant Fils d'un Monarque il est né pour régner,
Je n'en murmure point ; mais ce qui fait ma peine
C'est que ce Peuple en moi veuille choisir sa Reine,
Me le faire épouser, et par cette union
Rendre l'État garant de sa rébellion.
C'est jusqu'où le séduit la chaleur qui l'emporte.
DARIUS.
Et pour ce Darius votre haine est si forte,
Qu'attachée à son nom, elle ne souffre en vous
Qu'un soin injurieux de le fuir pour Époux !
STATIRA.
Faut-il vous avouer pour surcroît de supplice,
Que peut-être par là je fais une injustice,
Et qu'un Prince, du Sort dès le berceau trahi,
Mériterait sans vous de n'être point haï ?
DARIUS.
Ah, puisqu'en son malheur c'est trop peu que le plaindre,
Cessez enfin pour moi, cessez de vous contraindre.
Soyez, montrez-vous juste, et pour dire encor plus,
Oubliez Codoman pour aimer Darius.
Son sort de votre amour attend toute sa gloire.
STATIRA.
Et c'est de Codoman ce que j'avais dû croire !
Son feu pour Darius se peut intéresser ?
DARIUS.
Mon feu dans ce qu'il fait n'a point à balancer.
STATIRA.
Qu'il prend pour sa conduite une injuste maxime !
En vous il tient vertu ce qu'il m'impute à crime ;
S'il me porte à l'oubli je l'en dois estimer,
Et quand je le préviens je ne sais point aimer.
Au moins par cet effort qui vous a pu surprendre
Je vous laissais le coeur que je voulais vous rendre,
Et mon devoir timide à se trop hasarder
N'engageait pas ailleurs ce qu'il n'osait garder.
DARIUS.
Accusez Codoman de trahir ce qu'il aime,
Il trouve en ce reproche une douceur extrême,
Et pour vous l'expliquer, oyez jusqu'où ma foi
Porte les sentiments que vous avez de moi.
Sous un nom qui se rend la Perse favorable,
Mégabise s'est fait un illustre coupable,
Et j'espère être cru quand malgré cet abus
J'ose vous découvrir que je suis Darius.
STATIRA.
Vous, Darius ?
DARIUS.
Moi-même. Expliquez-vous.
DARIUS.
Madame,
Doutant de mon destin vous doutez de ma flamme,
C'est d'un Roi malheureux que j'ai reçu le jour ;
Mais pour vous le prouver je n'ai que mon amour,
Son orgueil vous le dit, l'en tiendrez-vous croyable ?
STATIRA.
Le Ciel seul rend d'imposture un Héros incapable,
Et contre Mégabise et tous ses Conjurés
Je vous crois Darius puisque vous l'assurez.
Mais pourquoi si longtemps un secret qui me blesse !
DARIUS.
Pour me répondre mieux du coeur de ma Princesse,
Et voir ses voeux se rendre à mes profonds respects,
Sans qu'un motif forcé me les rendit suspects.
Vous déclarant mon sort j'aurais eu lieu de craindre
Qu'à quelque complaisance il n'eût pu vous contraindre,
Qu'une ombre de justice à me rendre mon rang,
Au défaut de l'amour, n'eût fait agir le sang,
Et toujours incertain si l'ardeur qui m'enflamme
Sans l'éclat de mon nom aurait touché votre âme,
De ce doute inquiet le scrupule confus
Eût gêné Codoman dans l'heur de Darius.
J'en ai fui le supplice à garder le silence.
STATIRA.
Mais enfin aujourd'hui quelle est votre espérance ?
DARIUS.
Que vous dirai-je, hélas ! Quand un lâche Imposteur
D'un bruit qui me flattait se découvre l'auteur ?
J'en présumais déjà qu'on m'avait su connaître,
Que sans obscurité mon sort allait paraître,
Qu'en mourant Tiribase aurait d'un soin discret
Au sein de quelque ami fait tomber mon secret,
Que la preuve par lui m'en serait infaillible.
Cependant elle m'est d'autant plus impossible,
Qu'un traître sous mon nom ayant déjà paru,
Si je dis qui je suis, je ne serai pas cru.
Le Peuple qu'un faux zèle en sa faveur anime,
Sans rien examiner m'imputera son crime,
Et croyant que je cherche à lui voler son rang...
SCÈNE II. Ochus, Darius, Statira, Amestris, Oropaste, Barsine.
OCHUS, à Amestris.
C'est en vain qu'en ce lâche il reconnaît mon sang,
Sa révolte pour lui n'a rien qui m'épouvante ;
Plus je l'en vois aimé, plus ma haine s'augmente,
Et sa tête au besoin envoyée aux Mutins
Nous en saura bientôt soumettre les destins.
AMESTRIS.
Seigneur, craignez aussi que cette violence
D'un Peuple trop ému n'aigrisse l'insolence,
Et qu'à venger son Prince...
OCHUS.
Ah, dis un Imposteur,
Dis des droits qu'il nous vante un lâche Usurpateur.
Ce n'est point Darius, vous l'allez trop connaître.
Qu'on l'amène.
Oropaste sort.
STATIRA.
Seigneur, il faut punir un Traître,
Mais ce Peuple est toujours à craindre en sa fureur
Si vous le punissez sans le tirer d'erreur.
D'un grand nom usurpé montrez-lui la surprise,
Qu'il aime Darius en vain dans Mégabise,
Et qu'en son zèle enfin par sa fourbe abusé
Il soutient contre vous un Prince supposé.
OCHUS.
Et qui le convaincra d'une erreur volontaire
Que tant de Factieux lui font tenir si chère ?
Non, non, sur quelque appui qu'il s'ose mutiner,
Par la mort du coupable il le faut étonner.
Nous en verrons bientôt ralentir son audace.
DARIUS.
De quoi que sa révolte aujourd'hui vous menace,
N'en craignez rien, Seigneur, nous saurons l'apaiser,
Et mon sang vous répond de ce qu'il peut oser.
Mais souvent la vengeance à qui la précipite...
OCHUS.
Quoi, balancer encor la peine qu'il mérite ?
Craindre sous un faux nom un Fourbe déguisé ?
Je viens d'examiner ceux qui l'ont accusé,
Mais bien loin que pour Prince il se soit fait connaître
Ils l'ont cru sur sa foi de ce qu'il se dit être,
Et doutent qu'au besoin il pût justifier
Le secret qu'à leur zèle il sembla confier.
AMESTRIS.
Comme un Prince s'assure au brillant caractère
Qui parle bien souvent quand il cherche à se taire,
Incapable d'agir par un lâche intérêt
Il croit que se nommant il prouve ce qu'il est ;
Non qu'après l'attentat dont le Ciel vous préserve,
On doive à Mégabise une foi sans réserve,
Mais si, quoi qu'à sa fourbe on ait droit d'imputer,
Darius paraissait sans qu'on en pût douter ?
OCHUS.
Ah, ne m'en parlez point, l'un de l'autre est complice,
Darius, Mégabise, il faut que tout périsse ;
Mais le sang pour son nom vous sait trop émouvoir,
Ce n'est qu'une imposture, et vous l'allez savoir.
SCÈNE III. Ochus, Darius, Statira, Amestris, Mégabise, Oropaste, Barsine.
OCHUS, à Mégabise.
Viens, ingrat aux bontés que je t'ai fait paraître,
Viens voir ton Roi contraint de t'accepter pour Maître.
Car tu peux en effet ici bien plus que moi,
Puis que tous mes Sujets se déclarent pour toi.
Il est juste, et je dois à l'heur de ta naissance
Sacrifier ma haine et donner ma vengeance ;
Mais au moins pour répondre à ce grand changement
Prête quelque lumière à mon aveuglement.
Convaincs-moi que l'oubli de ta lâche entreprise
Fait grâce à Darius, et non à Mégabise,
Et que le sang d'un Frère assuré de régner
Est l'heureux sang qu'en toi je consens d'épargner.
MÉGABISE.
Sur tous les mouvements que ta haine t'inspire,
On t'a dit qui je suis, l'aveu t'en doit suffire.
Prononce, je suis prêt, et crains trop peu la mort
Pour prendre un lâche soin de t'éclaircir mon sort.
Aussi bien quel secours en pourrais-je prétendre ?
Le sang parle en ton coeur si tu le veux entendre,
Le Peuple, à qui le Ciel prête toujours sa voix,
Te montre Darius, te convainc de mes droits.
À ces vives clartés je vois que tu m'opposes,
Doute, j'y consens, doute, et perds-moi si tu l'oses.
Quelle que soit ta rage, au moins ai-je ce bien
Qu'en répandant mon sang tu hasardes le tien.
OCHUS.
C'est là ce qui te donne un coeur si magnanime ?
D'un Peuple révolté l'insolence t'anime,
Et tes jours s'assurant sur ce coupable appui,
Tu ne crains rien de moi quand je crains tout de lui ?
Mais si pour Darius j'écoute la Nature,
C'est à toi de m'ôter tout soupçon d'imposture,
Ou pour fourbe avoué, ton sang, ton lâche sang
Réparera l'affront que tu fais à mon rang.
MÉGABISE.
Et bien, crois en effet sur tes soupçons frivoles
Que je veux te voler ce rang que tu me voles,
Aux mouvements du sang ne donne aucune foi,
Comme un faux Darius punis-moi, venge-toi.
Te laissant une erreur que tu tiens légitime,
Je fais grâce à ta haine, et je t'épargne un crime,
Puisque enfin ta vengeance arrêtée en ton coeur
Perdrait en moi le Prince ainsi que l'imposteur.
OCHUS.
Oui, Traître, espère au Peuple, espère en tes Complices,
Nous verrons ta constance au milieu des supplices,
Et si, quand leur rigueur m'aura vengé de toi,
Ils oseront venger un Fourbe sur leur Roi.
MÉGABISE.
Et c'est pour voir ta peine et ton péril s'accroître
Que je dédaigne ici de me faire connaître.
Si tu pouvais prouver que tu perds Darius,
Après ma mort, Tyran, tu ne tremblerais plus,
Au lieu que pour mon nom toujours prêt d'entreprendre
Le Peuple s'armera pour qui l'osera prendre.
Ainsi toujours en doute, et toujours malheureux,
Crains tout ce que la Perse aura de généreux ;
Tour à tour contre toi, pour venger mon injure,
Ils feront vanité d'une belle imposture,
Tant que le Ciel enfin à l'un d'eux ait permis
De te chasser du Trône où le crime t'a mis.
Voilà sur quel espoir ma juste prévoyance
Aime à voir les Persans douter de ma naissance ;
Je suis un Imposteur, ordonne mon trépas,
Mais enfin par ma mort Darius ne meurt pas.
OCHUS.
Il ne m'importe, meurs, qui que tu veuilles être.
J'avoue en toi mon sang, j'aime à le reconnaître,
Ta perte m'offre ainsi le charme qui me plaît,
Et comme à Darius j'en prononce l'arrêt.
C'est lui qui doit périr, lui dont le nom rebelle
Rend à son Souverain tout un Peuple infidèle,
Et pour t'ôter l'espoir dont tes sens sont flattés,
Gardes, sans plus attendre...
DARIUS.
Ah, Seigneur, arrêtez ;
Puisque c'est Darius qui doit cesser de vivre,
Ne le cherchez qu'en moi, le voici qui se livre.
Fils, trop malheureux Fils d'un Père infortuné,
Je dois subir l'arrêt que vous avez donné,
Je le suis, je le sais sans savoir autre chose ;
Mais mon nom du tumulte étant la seule cause,
Pressé par ma vertu de vous le découvrir,
Si c'est peu pour régner, c'est assez pour mourir,
Et je ne craindrai pas qu'il soit suspect d'envie,
Quand je ne le reprends que pour quitter la vie.
Changez donc cet arrêt que je tiens suspendu,
Puisqu'il perd Darius, c'est à moi qu'il est dû.
MÉGABISE.
Va, quitte ce faux zèle ; offrir pour moi ta vie,
C'est joindre l'impudence à l'amitié trahie.
Ta vertu surprendrait dans ce faste emprunté,
Mais elle vient trop tard après ta lâcheté.
Je ne veux rien devoir au vain remords d'un traître.
DARIUS.
Sors d'erreur, Mégabise, et pense à me connaître.
Quand de ce que je suis j'ose avertir le Roi,
Ne crois pas que je songe à m'exposer pour toi.
D'un nom dont l'attentat semble ternir la gloire
Je ne veux qu'effacer une tache trop noire,
Et m'en croirais indigne à plus souffrir l'abus
Qui laisse en criminel condamner Darius.
Il faut, s'il doit tomber, que ce soit en victime,
Qu'on l'immole à ma gloire, et non pas à ton crime,
Et qu'à tout l'Univers son vrai sort découvert,
Montre que sa naissance est tout ce qui le perd.
OCHUS.
Mes voeux sont exaucés enfin, et la Nature...
MÉGABISE.
Quoi, tu refuserais de voir son imposture ?
Surpris de ton courroux, tantôt pour l'apaiser
Il venait me trahir, il venait m'accuser,
Et quand il voit le Peuple armé pour ma défense,
Contraindre ta fureur, étonner ta vengeance,
Il peut impunément, pour te réduire au choix,
Me voler ma naissance, et contester mes droits ?
Tout est bien concerté si sa fourbe est soufferte.
DARIUS.
Respecte ma vertu si tu poursuis ma perte.
Ce que j'ai dit tantôt a trop su t'abuser,
Je voulais me trahir, et non pas t'accuser.
Oui, Seigneur, mon amour n'espérant plus de grâce,
J'en venais par ma mort justifier l'audace,
Et mes superbes voeux vous font de sûrs garants
Du sang dont je me vante, et du nom que je prends.
MÉGABISE.
Oui, sans doute, ce sont des garants légitimes.
OCHUS.
Si je ne les crois pas, en croirai-je tes crimes.
Puisqu'à mon lâche Peuple il faut un Darius,
Le pouvant contenter, je ne le craindrai plus.
Espère, espère encor échapper à ma haine.
MÉGABISE.
Et tu crois qu'à ce choix il souscrira sans peine,
Et que de mon destin s'étant fait protecteur,
Pour le vrai Darius il souffre un Imposteur ?
Les Chefs qu'il a reçus t'ôtent cette espérance,
De Tiribase même ils ont su ma naissance,
Et certains du secret ils sauront malgré toi
Choisir entre nous deux leur véritable Roi.
AMESTRIS.
Et si je te disais, que n'osant plus le taire,
Tiribase m'en fit seule dépositaire,
Et qu'avec certitude, et sans aucun abus,
Je sais que Codoman est le vrai Darius ?
MÉGABISE.
Parlez, feignez, Madame, aidez au stratagème.
AMESTRIS.
Seigneur, ce que j'ai dit est la vérité même.
Depuis deux ans entiers que Tiribase est mort,
Je suis, sans qu'il l'ait su, maîtresse de son sort.
Avant que d'expirer il m'apprit quel mystère
Confondait Codoman et le Fils de mon Frère,
Et que déjà fameux par cent nobles travaux
Le sang de Darius animait un Héros ;
Qu'ayant vu sa vertu remplir son espérance,
Il l'avait averti de sa haute naissance,
Mais à condition qu'un hymen glorieux
Le pourrait seul remettre au rang de ses Aïeux.
Voilà sur quoi, Seigneur, j'ai travaillé sans cesse
À lui faire élever ses voeux à la Princesse,
Sans qu'il pût même encor soupçonner aujourd'hui
Que de ce qu'il est né je susse plus que lui ;
Et si sur ce grand bruit qu'un Fourbe a su répandre,
Je l'eusse enfin connu capable d'entreprendre,
Il ne m'aurait jamais entendu publier
Ce qu'un autre que moi ne peut justifier.
OCHUS.
Et bien, traître, est-ce assez pour ordonner ta peine ?
MÉGABISE.
Oui, si l'on en consulte et ta rage et ta haine ;
Mais Tiribase ailleurs fait un autre rapport.
AMESTRIS.
Consens-tu que sa main en décide le sort ?
Tiens, vois, méchant ; approche, est-ce son caractère ?
Vous connaîtrez, Seigneur, ce billet de son Père.
OCHUS, lit.
"J'ai sauvé Darius, mais sans aucun dessein
De le laisser maître de sa naissance.
La Princesse Amestris seule en a connaissance,
Et doit de Statira briguer pour lui la main.
Persans, acceptez-le pour Maître
Si jamais votre Roi consent à cet accord.
Le nom de Codoman qui déguise son sort
Vous le fera connaître."
Tiribase.
MÉGABISE.
Par quel fatal revers vois-je tout découvert ?
J'espère en Tiribase, et c'est lui qui me perd.
Ah Dieux ! Injustes dieux, dont l'indigne colère
Pour condamner le Fils fait revivre le Père,
Vous, qui sembliez m'offrir l'appui de mes forfaits,
J'en vais souffrir la peine, êtes-vous satisfaits !
Oui, je ne suis qu'un fourbe et le Ciel m'abandonne
Quand ton trépas conclu m'assurait ta Couronne.
Venge, venge la Perse, et ces Dieux ennemis
Qui ne m'ont pas tenu ce qu'ils m'avaient promis,
Ces Dieux dont l'indulgence aux grands crimes propice
Tient le mien trop léger pour s'en rendre complice,
Leur secours est certain à qui n'ose en trembler,
Et pour en être digne il faut te ressembler.
OCHUS.
Qu'on l'ôte de mes yeux, attendant que ma haine
Par l'arrêt qu'il mérite ait résolu sa peine.
DARIUS.
Ah, Seigneur, si je puis...
MÉGABISE.
Ne lui demande rien,
Au défaut de son sang j'abandonne le mien.
Il faut qu'il soit versé, ce sang lâche et timide,
Qui trembla si longtemps pour un seul parricide,
L'avoir trop différé mérite le trépas,
Et je le punirais de ne me punir pas.
OCHUS.
Gardes, qu'on le réserve aux plus cruels supplices.
Mégabise rentre, et Ochus continue à parler à Darius.
Vous, à qui jusqu'ici j'ai fait tant d'injustices,
Et comme Codoman, et comme Darius,
Voudrez-vous oublier un indigne refus ?
Quand je vous devrais tout, ma fausse défiance...
DARIUS.
Ah, ne poursuivez point un discours qui m'offense.
Si du vrai Darius vous craignez les desseins,
Prévenez-en l'effet, sa vie est en vos mains.
Disposez-en, Seigneur, vous en êtes le maître.
OCHUS.
Nous n'aurons rien à craindre après la mort d'un traître,
Mais à tant de vertu pour répondre à mon tour,
Est-ce assez de l'hymen que pressait votre amour ?
Est-ce assez que ma Fille en soit la récompense ?
DARIUS.
C'est assez qu'un grand Roi me souffre l'espérance,
Pourvu que ma Princesse, exorable à mes voeux,
D'une heureuse union approuve les doux noeuds.
Ai-je montré, Madame, une flamme assez pure ?
STATIRA.
Aussi vous me voyez obéir sans murmure.
Jugez si dans mon coeur l'aveu de votre espoir
Pouvait mieux prévenir les ordres du devoir.
OCHUS.
Vous, ma Soeur, qu'aujourd'hui l'offre d'un Diadème
Chez les Cadusiens élève au rang suprême,
Confirmez-en l'accord, et comblant leurs souhaits,
Par l'hymen de leur Prince assurez-nous la paix.
Cependant, pour forcer l'imposture au silence,
Allons de Darius expliquer la naissance,
Et du faux et du vrai publiant les destins,
En faveur de ce nom faire grâce aux Mutins.